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Réglementation des meublés de tourisme à l'échelle locale : Analyse du projet de texte de la Commission Mixte Paritaire du 28 octobre 2024

La proposition de loi n°159 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale a été adoptée en Commission Mixte Paritaire ce lundi 28 octobre 2024. Le texte peut être consulté ici : https://www.senat.fr/leg/ppl24-086.html

Pour mémoire, cette proposition de loi avait été déposée par Madame la députée Annaïg Le Meur en avril 2023, puis adoptée par l’Assemblée nationale le 29 janvier 2024, puis, après modifications, par le Sénat le 21 mai 2024.

La version commune de la Commission Mixte Paritaire sera soumise au vote du Sénat puis de l’Assemblée nationale en ce début novembre 2024.

Cette proposition de loi, très attendue, apporte des modifications au régime des locations meublées de courte durée sur l’ensemble de leurs aspects (urbanisme, fiscalité, copropriété). Elle offre de véritables pouvoirs de régulation aux élus locaux notamment en matière de limitation du nombre de jours de location pour les résidences principales ou encore de limitation du nombre d’autorisations de changement d’usage délivrées.

Explication des principales mesures.

 

I. Sur la généralisation de la procédure d’enregistrement pour toute déclaration de meublé de tourisme (cf. article 1er A de la proposition de loi)

La proposition de loi généralise la procédure d’enregistrement des déclarations des meublés de tourisme afin d’accroître les pouvoirs de vérification des communes.

En premier lieu, il appartiendra désormais à toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme de procéder préalablement « en personne » à une déclaration soumise à enregistrement auprès d’un téléservice national (cf. III de l’article L.324-1-1 du code du tourisme modifié). Cette disposition vise à faciliter les contrôles en évitant que les déclarations soient effectuées par des tiers tels que les conciergeries ou autres sociétés de services intermédiaires.

Cette mesure générale a vocation à s’appliquer à tous les meublés de tourisme, qu’ils constituent des résidences principales ou secondaires, et quelle que soit la commune.

La déclaration devra indiquer si le meublé constitue la résidence principale du loueur et, dans l’affirmative, celui-ci devra en apporter la preuve. Les données et pièces justificatives sont transmises sans délai à la commune ou à l’autorité compétente.

Par rapport à la version adoptée par le Sénat qui fixait la validité du numéro de déclaration à une durée de cinq ans, il est prévu que le loueur devra renouveler sa déclaration à l’expiration d’un délai fixé par décret.

Pour les meublés résidences secondaires, des pièces complémentaires seront exigées en matière de respect des règles de sécurité contre les risques d’incendie pour les bâtiments à usage d’habitation, ou, si la capacité d’accueil du meublé de tourisme est supérieure à quinze personnes, les règles de sécurité pour les établissements recevant du public.

Un décret va déterminer les informations et pièces justificatives à joindre à la déclaration, dont l’avis d’imposition sur le revenu afin de rapporter la preuve de la résidence principale du loueur.

En second lieu, la Commission Mixte Paritaire a modifié la version adoptée par le Sénat afin de prendre en compte les dispositions existant déjà en droit européen en ce qui concerne les pouvoirs de vérification de la commune.

La commune peut suspendre la validité du numéro de déclaration et émettre une injonction en demandant aux plateformes numériques de location de courte durée de retirer ou de désactiver l’accès au référencement d’une annonce, outre les pouvoirs de vérification mentionnés à l’article 6 du règlement (UE) 2024/1028 du Parlement européen et du Conseil du 11 avril 2024 concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée (cf. III bis nouveau de l’article L.324-1-1 du code du tourisme).

Ces dispositions (issues de l’article 1er A de la proposition de loi) entreront pour la plupart en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 20 mai 2026.

 

II. Sur la durée maximale de location des résidences principales et la limitation de la transformation des locaux qui ne sont pas à usage d’habitation (cf. article 1er bis de la proposition de loi)

La Commission Mixte Paritaire n’a pas modifié la durée maximale de location de 120 jours par année civile pour les meublés résidences principales mais a réintroduit la possibilité pour les communes, sur délibération motivée, d’abaisser le nombre maximal de jours de location dans une limite de 90 jours (cf. nouvel alinéa au IV de l’article L.324-1-1 du code du tourisme). Cette disposition s’appliquera dès le 1er janvier 2025.

L’article IV bis de l’article L.324-1-1 du code du tourisme concernant la transformation des locaux commerciaux en meublés de tourisme est également modifié. Il prévoit désormais que, dans les communes où le changement d’usage des locaux d’habitation est soumis à autorisation préalable, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local « qui n’est pas à usage d’habitation au sens de l’article L.631-7 du code de la construction et de l’habitation » en tant que meublé de tourisme. Cette mesure vise à limiter la pratique des investisseurs visant à transformer des bureaux (ou des locaux commerciaux) en meublés de tourisme.

 

III. Sur le renforcement des sanctions en cas de non-respect de la procédure d’enregistrement et de la durée maximale de location (cf. article 1er bis de la proposition de loi).

Dans sa rédaction issue de la Commission Mixte Paritaire, la proposition de loi conserve sa rédaction antérieure et modifie les termes de l’alinéa V de l’article L.324-1-1 du code du tourisme. Les loueurs de meublés de tourisme qui ne se conformeraient pas à la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable encourent une amende, non plus civile mais administrative, d’un montant de 10 000 euros au lieu de 5000 euros précédemment.

Il est ajouté que toute personne qui effectuerait de fausses déclarations ou utiliserait un faux numéro de déclaration encourt une amende administrative de 20 000 euros. Le recours à l’amende administrative est donc privilégié.

Le montant de l’amende civile pour tout manquement à l’obligation de location d’une durée maximale de 120 jours pour les résidences principales est augmenté de 10 000 à 15 000 euros.

L’entrée en vigueur de ces dispositions sera fixée par décret.

 

IV. Sur la protection des locataires occupants les meublés de tourisme

La proposition de loi aligne le régime des meublés de tourisme sur celui des locations longues durée en matière de salubrité et renforce les obligations de décence et de performance énergétique.

§  Sur la sécurité et la salubrité des biens loués (article 1er B de la proposition de loi)

L’article 1er B de la proposition de loi introduit par le Sénat a été conservé par la Commission Mixte Paritaire. Il complète l’article L.521-2 du code de la construction et de l’habitation afin de le rendre applicable aux meublés de tourisme. Ainsi, le propriétaire, l’exploitant ou la personne ayant mis à disposition les locaux, en dépit de la prise d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, sera tenu de restituer au locataire toute somme indûment perçue à ce titre.

§  Sur les obligations en matière de décence énergétique pour les meublés détenus à titre de résidence secondaire (article 1er de la proposition de loi)

En premier lieu, la proposition de loi en sa version issue de la Commission Mixte Paritaire crée un nouvel article L.324-2-2 du code du tourisme en soumettant les meublés de tourisme aux critères de décence définis à l’article 6 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, sauf lorsque le local loué constitue la résidence principale du loueur.

Ainsi, les propriétaires de biens détenus à titre de résidence secondaire et meublés en résidence de tourisme devront faire réaliser un diagnostic de performance énergétique, dont le maire pourra demander la transmission. En l’absence de transmission dudit diagnostic dans un délai de deux mois, le loueur est passible d’une astreinte administrative de 100 euros par jour de retard au profit de la commune.

Le propriétaire qui loue ou maintient à la location un meublé ne respectant pas les niveaux de performance énergétique d’un logement décent encourt une amende maximale de 5000 euros.

Ces obligations entreront en vigueur au 1er janvier 2034.

En second lieu, un article L.631-10 du code de la construction et de l’habitation doit être rétabli, aux termes duquel les propriétaires de locaux souhaitant obtenir une autorisation de changement d’usage devront présenter un diagnostic de performance énergétique dont le niveau doit être compris entre les classes A et E, puis, à partir du 1er janvier 2034, entre les classes A et D.

 

V. Autorisation de changement d’usage des locaux à usage d’habitation : sur la fixation de « quotas » d’autorisations et l’alourdissement des sanctions (article 2 de la proposition de loi)

Les dispositions du code de la construction et de l’habitation relatives aux changements d’usage des locaux d’habitation sont modifiées et complétées de manière à accroître les pouvoirs des maires aux fins de régulation du marché.

§  Elargissement du champ d’application des dispositions relatives au changement d’usage et fixation d’un nombre maximal d’autorisations

En premier lieu, la proposition de loi précise que les dispositions relatives au changement d’usage s’appliquent aux communes dont la liste est fixée par le décret déterminant les communes assujetties à la taxe sur les logements vacants. Dans ces communes, le changement d’usage des locaux à usage d’habitation peut être soumis à autorisation préalable par une décision de l’organe délibérant (cf. article L.637-1 du code de la construction et de l’habitation modifié).

Dans les communes non concernées, ces dispositions pourront être rendues applicables par une délibération de l'organe délibérant compétent, dans les cas où il existerait un déséquilibre de l’offre et de la demande de logement entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement (cf. article L.631-9 modifié du code de la construction et de l’habitation).

En deuxième lieu, la définition d’un « local réputé à usage d’habitation » évolue. Il était jusqu’à présent considéré comme tel s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970.

Face aux difficultés procédurales rencontrées par les communes pour prouver cet usage d’habitation, les députés et sénateurs ont étoffé cette définition. Désormais, il s’entend d’un local qui était affecté à cet usage « soit à une date comprise entre le 1er janvier 1970 et le 31 décembre 1976 inclus, soit à n’importe quel moment au cours des trente dernières années précédant la demande d’autorisation préalable au changement d’usage ou la contestation de l’usage dans le cadre des procédures prévues par le livre VI du présent code, et sauf autorisation ultérieure mentionnée au quatrième alinéa du présent article » (cf. article L.631-7 modifié du code de la construction et de l’habitation).

La Commission Mixte Paritaire est également venue ajouter qu’une autorisation d’urbanisme ayant pour conséquence de changer la destination de locaux à usage d’habitation ne constitue un mode de preuve valable que si elle est accompagnée d’une autorisation de changement d’usage.

La notion « d’usage d’habitation » est précisée, celui-ci s’entendant de tout local habité ou ayant vocation à l’être même s’il n’est pas occupé effectivement, notamment en cas de vacance ou lorsqu’il a fait l’objet d’un arrêté pris sur le fondement du livre V du code de la construction et de l’habitation. L’usage d’habitation est donc décorrélé d’une occupation effective du bien.

L’objectif de ces dispositions est clairement de faciliter l’action contentieuse des autorités locales.

En troisième lieu, trois nouveaux alinéas viennent compléter l’article L631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation relatif au régime des autorisations temporaires. Il est précisé que la délibération du conseil municipal peut également fixer :

§  le nombre maximal d’autorisations temporaires qui peuvent être délivrées sur tout ou partie du territoire de la commune, dans une ou plusieurs zones géographiques qu’elle délimite,

§  ou la part maximale de locaux à usage d’habitation pouvant faire l’objet d’une autorisation temporaire de changement d’usage.

Dans un tel cas, aucune autorisation permanente de changement d’usage de locaux à usage d’habitation en meublés de tourisme ne pourra être accordée, sauf si elle l’est contre compensation. En outre, toutes les autorisations seront délivrées « pour une durée identique, inférieure à cinq ans ».

La délibération doit définir la procédure de sélection entre les candidats, moyennant des garanties de publicité et de transparence, tant pour les demandes initiales que les renouvellements.

La Commission Mixte précise que les logements situés dans des résidences-services, qui, en dehors des périodes où ils sont loués en meublés de tourisme, constituent une résidence principale sont exclus du calcul du nombre maximal d’autorisations temporaires. Les dispositions relatives à l’achat de droits de commercialités afin d’obtenir une autorisation de changement d’usage (introduites par le Sénat) sont en revanche supprimées.

 

§  Le renforcement des sanctions en cas de transformation irrégulière d’un local à usage d’habitation

La proposition de loi alourdit considérablement les sanctions pécuniaires à l’égard des personnes qui transformeraient irrégulièrement un local à usage d’habitation en meublé de tourisme, en violation des obligations d’autorisation de changement d’usage temporaire ou permanente.

Le montant de l’amende civile passe de 50 000 à 100 000 euros (cf. article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation modifié par le 2° du I de l’article 2 de la proposition de loi).

Un nouvel article L.651-2-1 du code de la construction et de l’habitation est créé. Il instaure une amende civile maximale de 100 000 euros qui pourrait être prononcée à l’égard de toute personne qui se livre ou prête son concours à la commission de l’infraction susvisée, par une activité d’entremise, de négociation ou par la mise à disposition de services, à l’exception des plateformes numériques de type Airbnb (cf. 3° du II de l’article 2 de la proposition de loi).

 

VI. Sur les dispositions en matière d’urbanisme

Le II de l’article 2 de la proposition de loi modifie les dispositions du code de l’urbanisme et le code général des collectivités territoriales.

Il prévoit notamment de créer un nouvel article L.151-14-1 du code de l’urbanisme selon lequel le règlement du plan local d’urbanisme peut délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels toutes les constructions nouvelles de logements sont à usage exclusif de résidence principale. Ces logements ne pourront pas faire l’objet d’une location en tant que meublés de tourisme.

Ces dispositions ont vocation à créer frein à la création de nouveaux meublés de tourisme.

 

VII. Sur les nouvelles règles en copropriété

La Commission Mixte Paritaire a supprimé l’amendement du Sénat visant à introduire l’obligation d’obtenir une autorisation préalable de la copropriété à la majorité simple pour tout changement d’usage d’un lot de copropriété.

L’article 2 bis de la proposition de loi dans sa version issue de la Commission Mixte Paritaire prévoit en revanche l’ajout d’un nouvel article 8-1-1 à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis aux termes duquel tout nouveau règlement établi à compter de l’entrée en vigueur de la loi devra mentionner de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme.

L’article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 est également modifié. Pourront être adoptées à la majorité de l’article 26 (soit des deux tiers des voix) les décisions concernant la modification du règlement de copropriété ayant pour objet l’interdiction de location en meublés de tourisme des lots à usage d’habitation, autres que ceux constituant une résidence principale.

Cette possibilité d’interdiction de location concerne donc uniquement les résidences secondaires. En outre, elle ne sera possible « que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale ».

 

VII. Sur la modification de la fiscalité

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi modifie la fiscalité de la location meublée en ce qui concerne le régime du « micro-BIC » considéré comme une « niche fiscale ».

En premier lieu, les seuils de chiffre d’affaires hors taxe pour bénéficier du régime du micro-BIC sont modifiés. Les locaux classés meublés de tourisme ne pourront plus bénéficier du régime du micro-BIC dans la limite de 188 700 euros (cf. modification du 1° du 1 de l’article 50-0 du code général des impôts). Les meublés de tourisme classés tombent donc alors dans la catégorie des « autres entreprises » dont le seuil de chiffre d’affaires hors taxes est limité à 77 700 euros annuels pour bénéficier de ce régime.

Pour les meublés de tourisme hors meublés classés, la Commission Mixte Paritaire entérine un abaissement du seuil de revenus locatifs annuels à 15 000 euros (alors que le Sénat avait proposé 23 000 euros) alignant ainsi les meublés de tourisme sur le régime du micro-foncier de la location nue (cf. modification de l’article 1 bis de l’article 50-0 du code général des impôts). Il s’agit d’un retour au seuil initialement proposé par l’Assemblée nationale.

En second lieu, les abattements sont modifiés. Ils s’élèvent à 50% pour les meublés de tourisme classés (contre 71% antérieurement) et à 30 % pour les meublés de tourisme non classés (contre 50 % antérieurement).

Un abattement supplémentaire de 21% est prévu pour les meublés de tourisme classés lorsque ces derniers ne sont pas situés dans des zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l'offre et la demande de logements, sous réserve que le chiffre d'affaires hors taxes ne dépasse pas les 15 000 euros annuels.

Ces modifications avaient déjà été introduites à l’article 50-0 du code général des impôts par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. Néanmoins, ce nouveau régime ne s’appliquera pas aux revenus 2024 (cf. III de l’article 3 de la proposition de loi).

Il est précisé que le seuil de 15 000 euros pour les meublés de tourisme est exclu de la réévaluation, tous les trois ans, des seuils du micro-BIC qui suit l’évolution triennale de la première tranche de l’impôt sur le revenu.

Ce nouveau régime fiscal ne s’appliquera que pour les revenus locatifs perçus à compter du 1er janvier 2025.

 

Ainsi, la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale tend à limiter le nombre de locations meublées de courte durée par des outils de régulation et une fiscalité moins avantageuse. Il convient à présent de suivre avec attention le texte définitif à venir qui sera approuvé par l’Assemblée nationale et le Sénat en ce début novembre, ainsi que son décret d’application.

 

Céline CIRIANI

Avocat au Barreau de Nice

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